Hong Kong — Les Chroniques de l’étrange
Hong Kong, cette ville si particulière, recèle un secret. Des fantômes, des monstres et autres démons vivent dissimulés parmi les humains, la plupart sans faire d’histoire, cachant leur nature aux profanes ; mais d’autres dérapent et nuisent à l’équilibre de la cité portuaire. C’est sur ce postulat que prend place le jeu de rôle Hong Kong — Les Chroniques de l’Étrange édité chez Antre Monde.
L’univers
Adaptation d’une trilogie de romans de Romain d’Huissier qui dépeint les aventures de Johnny Kwan, un exorciste chinois qui défend Hong Kong contre des créatures issues du folklore chinois, afin de sauver le Monde. Les romans sont bons, mais pas du tout indispensables pour le JDR. On peut d’ailleurs les considérer ou non comme canons, au choix du MJ.

L’action se déroule donc à Hong Kong — no shit Sherlock —, ville multi-facettes par essence, de par son passé en tant que colonie britannique pendant près d’un siècle, incarnant le lien entre l’Occident et l’Orient. Ville plurielle aussi de par ses habitants, mêlant Chinois continentaux, familles descendantes des colons britanniques, immigrés Philippins, et autres expatriés occidentaux cherchant les opportunités de business ; les uns vivant dans l’opulence, les autres survivant dans des « maisons cages », symboles d’une pauvreté extrême. Enfin, ville duale aussi, par son ancrage dans le passé et la tradition mais dont l’économie galopante l’a assurément tournée vers l’avenir, les gratte-ciel ultra modernes encadrant les temples de confession tantôt taoïste, tantôt bouddhiste, ou encore confucianiste voire les trois à la fois.
Ce cadre hétéroclite déjà très riche abrite donc une face occulte, où des esprits-animaux, des démons ou autres rois-dragons côtoient les humains en secret, sous la surveillance des fat si, des personnes aux capacités surhumaines, mandatées par le Ciel pour se porter garantes de l’équilibre de la ville. C’est bien sûr ces derniers que nos joueurs et joueuses vont incarner !
Le Livre
Le manuel se présente sous la forme d’un sublime livre en couverture rigide de plus de 500 pages, avec un marque page intégré. Il pèse son poids, le papier glacé étant de qualité et fera office de poids de musculation sans problème ! Découpé en 12 chapitres, dont un d’introduction survolant le propos, Antre Monde nous dote de tout ce qu’il faut pour pouvoir jouer et faire jouer des enquêteurs de l’occulte qui pratiquent le Kung-Fu, aidés par des objets magiques sacrés.
Le cadre
Un Louzing, esprit-araignée
Trois chapitres sont consacrés à la présentation de Hong Kong, pour dépeindre son Histoire, sa Géopolitique et sa Religion. C’est complet sans être assommant et j’ai personnellement beaucoup appris sur cette ville qui fait partie de mes racines mais dont je ne savais que peu de choses. Le tout est saupoudré de surnaturel (par example, un département de police un peu secret qui est initié à la face occulte de la ville). Tout cela permet de s’imprégner de l’ambiance régnant dans cette ville grouillant d’activités afin de mieux la retranscrire à la table de jeu.
On passe ensuite sur les présences surnaturelles, leur organisation, leur nature, leurs rapports avec la société profane et avec la communauté des fat si. Là encore, les auteurs nous abreuvent de matériel afin de stimuler nos imaginaires, donnant plein de pistes de scénarii.
Le chapitre suivant revient sur Hong Kong en soit, et en fait un véritable personnage à part entière. La ville est décrite district par district, avec une courte description factuelle donnant l’ambiance qui y règne, avant de donner quelques lieux remarquables de par leur lien avec le surnaturel. Et là, c’est un florilège de fluff qui donne des idées d’histoire one-shot voire de campagne entière si on laisse son esprit tricoter les liens que les auteurs ont laissés pendre.
Les règles
On arrive ensuite aux règles, de la création de personnage au système de magie en passant par le moteur qui propulse le jeu.
Les dés
Vous pourrez le voir sur divers commentaires de vidéos présentant le jeu, le système fait froncer les sourcils à sa lecture. Pourtant il se révèle très simple visuellement et sa maîtrise se fait au bout du deuxième ou troisième lancé selon le témoignage de gens qui ont essayé le jeu. Les commentaires négatifs sur le système ne proviennent, à l’heure où j’écris ces lignes, uniquement de gens qui jugent sans y avoir joué 🙁. Je n’ai pas encore essayé le jeu, mais j’ai regardé deux actual play et j’ai très vite compris comment on interprétait le résultat.
Pour pouvoir continuer à parler du système, je vais juste dire qu’on lance un certain nombre de dés dix faces, et on les destine à un usage particulier selon leur valeur : certain détermine si le PJ réussit son action, d’autres vont la pondérer en bien ou en mal indépendamment de la réussite, d’autres rejoignent une réserve pour les PJ et enfin certains alimentent la réserve du meneur de jeu.
Johnny Kwan, l’exorciste des romans
Des réserves de dés
La réserve pour les PJ symbolise le lien qui les unit en tant que groupe de fat si ainsi que la capacité de leur personnage à percevoir les flux d’énergies mystiques qui parcourent tout-ce-qui-est. Ils peuvent y piocher des réussites automatiques si jamais leur jet est insuffisant. Oui, le lancer de dés d’un PJ peut influer sur celui d’un autre pour le sortir d’une mauvaise situation ! Ça équilibre un peu les choses et évite la frustration d’une série de lancers malchanceux.
Autre particularité du moteur de jeu : il est asymétrique et seuls les joueurs lancent des dés ; quand un PNJ attaque, c’est le joueur(se) qui lance un jet de défense. Pour agir sur le déroulement de l’action, le MJ utilise la réserve de dés qui lui est attribuée. En dépensant un certain nombre de points, il peut au choix rendre des PNJ plus puissants ou bien aider les PJs si la situation s’enlise un peu. C’est la représentation symbolique de la volonté du Ciel d’assurer un équilibre des choses !
J’ai passé les détails mais le système utilise la numérologie chinoise ainsi que les principes taoïstes, ses cinq éléments, la dualité Yin et Yang, ce qui l’intègre totalement au Lore de l’univers ; c’est d’une élégance rare !
Le combat

Le combat a été pensé pour être aussi fluide que les scènes d’actions de film hongkongais et reprend le principe d’une roue d’initiative que j’ai rencontré avant dans un autre JDR à consonnance hongkongaise : Feng-Shui. Une partie que j’ai menée dessus m’avait un peu déçu sur l’aspect initiative, des joueurs s’étant retrouvés à attendre longtemps avant de pouvoir agir ; mais le système n’était pas asymétrique comme ici, donc à voir, et là encore, les actual play ont montré que ça fonctionnait plutôt bien. Cette roue permet de ne pas tirer l’initiative à chaque tour, et en fait, la notion de tour disparaît, on évolue sur la roue d’initiative selon les actions qu’on veut mener, attaquer, se défendre, protéger… chacune ayant un coût en cran d’initiative.
Cette section est aussi agrémentée de techniques de Kung-Fu qui permettent des exploits surhumains à nos héros, usant des images iconiques d’arts martiaux de la pop culture 😄 et là encore, la partie technique reste dans le ton en usant des 5 éléments et du Yin/Yang.
La magie
On a aussi le droit à un système de magie libre, où le MJ juge du nombre de réussites nécessaires à un effet, selon son ampleur et la puissance voulue. Plus que le système de dés, c’est cette partie qui m’a parue plus difficile à appréhender à la première lecture mais en fait, tout se condense en une formule simple. La difficulté étant de jauger la difficulté du jet mais le chapitre est parsemé d’exemples permettant d’éclaircir les choses. De plus, une liste de sorts servant d’exemples permet de mettre le pied à l’étrier et là encore, les joueurs s’approprient vite la formule pour décrire leurs propres sorts.
Le bestiaire
On clôture la partie technique du livre avec un bestiaire des jiugwaai peuplant Hong Kong, leurs caractéristiques, leurs pouvoirs, leurs aspirations. Le tout parsemé de PNJs tout prêts à être utilisés dans une de vos histoires.
Des scénarii
Enfin, Antre Monde nous gâte avec pas moins de trois scénarii prêts à jouer ! Ajoutons à cela que le financement participatif a permis de débloquer six mini suppléments numériques appelés Taonet et que les deux premiers ont chacun un scénario, plus celui du kit de découverte, ça nous fait déjà six scénarii officiels actuellement ! Ajoutons aussi des scénarios parus dans des magasines : un dans JdR Mag n°56 et un dans Casus Belli n°41. Ce qui porte le compte officiel à huit !
Une communauté
Et ce n’est pas tout ! La communauté autour du jeu est passionnée et prolifique, avec un site non officiel regroupant déjà trois scénarios amateurs ! Une liste qui ne cesse de grandir, compulsée sur le forum du site de fan 😄
La communauté s’amuse aussi à créer des fat si et leur Sanhei (l’objet magique prouvant leur mandat céleste) ce qui donne autant de prétirés si jamais les dix fournis par l’éditeur ne vous suffisent pas !
Conclusion
Loin des sempiternels univers d’heroic-fantasy, Hong Kong — Les Chroniques de l’Étrange nous offre un dépaysement bienvenu et exécuté d’une main de maître avec un système élégant qui peut certes dérouter de prime abord, mais qui se révèle finalement d’une simplicité enfantine et servant complètement le propos du jeu. Le contenu autour du jeu ne cesse de s’enrichir, autant de la part de l’éditeur que de la communauté. Et vu qu’Antre Monde est content de la performance du jeu, il semblerait qu’un supplément conséquent serait en train de mijoter, mais rien d’officiel pour l’instant 😉 Je vous en reparlerais sans aucun doute une fois que j’aurais une partie au compteur (que je prépare actuellement !).
Enfin, merci à Antre Monde de m’avoir laissé accéder au Kit de presse pour pouvoir illustrer mon article avec les superbes créations de David Suarez, Lionel Prats, Prospass et Xavier Colette !