Pourquoi le succès des Logiciels Libres ne fait aucun doute ?
Dans ce billet, je vais tâcher d’exposer mon point de vue sur la progression des Logiciels Libres, les obstacles, les progrès, et le caractère inéluctable d’un équilibre des parts d’utilisateurs de propriétaire et de Libre.
Introduction
Tous les livres traitant de la génèse des Logiciels Libres vous le diront, aux premiers âges de l’informatique, les programmes étaient librement partagés, relus, modifiés, améliorés avant d’être à nouveau partagés. On était en pleine recherche, ça se passait dans les labos universitaires américains en grande partie. Puis vînt l’industrialisation de l’informatique et le logiciel propriétaire apparût et en contre-balancement, la GPL (je schématise beaucoup). La progression des logiciels propriétaires fût fulgurante, reléguant les Logiciels Libres au rang de curiosité réservée à une élite de geeks chevronnés.
Pourtant on assiste de nos jours à une progression marquée de l’occupation des Logiciels Libres dans le monde. Je vais tâcher d’analyser ce qui a pu freiner ce développement, ce qui l’a boosté, et pourquoi les Logiciels Libres perceront sans aucun doute.
Les obstacles
Le logiciel est une marchandise extrêmement prolifique. En effet, étant immatériel, son coût de production (son écriture) n’est payé qu’une seule fois, alors que sa production en série (sa reproduction) engendre un coût marginal qui peut être ignoré. On comprend alors aisément que la rentabilité peut être rapidement atteinte. De ce fait, beaucoup d’entreprises se sont montées dans ce domaine de l’édition de logiciels (propriétaires donc) et comme le profit est la motivation première d’une entreprise, des moyens financiers ont été injectés pour produire, la production a avancé vite, fournissant rapidement des logiciels accessibles au grand public : MacOS, Windows, OS/2 Warp...
Pendant ce temps, les Logiciels Libres avançaient à leur rythme, bien lentement en comparaison de la tornade propriétaire. Par manque de moyens financiers et, surtout, par manque de contributeurs. De ce fait, les utilisateurs de Logiciels Libres étant tous des techniciens en informatique, l’ergonomie n’était pas le point fort des Logiciels Libres, Linux en particulier. C’est de là qu’est né le mythe du "Linux c’est dur".
Après avoir enterré la concurrence à coup de pratiques anti-concurrentielles, Microsoft règne en roi sur les OS installés sur les machines bureautiques, alors que les *nix (Linux et ses cousins) occupent la majorité des serveurs. Le monopole installé, MS Windows s’est mis à stagner (Win98, Win98SE, WinME, trois versions successives sans aucune innovation), Microsoft se penchant alors sur le marché des serveurs.
Pendant ce temps, au début des années 90, Linux s’offrait une vitrine de plus en plus large, d’une élite de geeks, sa connaissance s’étendait à un cercle plus vaste composé de ceux qui travaillent dans l’informatique. Linux creuse son trou dans les entreprises en tant que plateforme de développement mais même ceux qui le manipule au bureau hésitent à l’installer chez eux, le monopole instauré enrayant la création de pilotes Linux pour pouvoir utiliser le matériel informatique.
Les catalyseurs
Pourtant, les Logiciels Libres ont actuellement le vent en poupe, on en parle beaucoup dans la presse spécialisée et de plus en plus dans la presse grand public. Diverses organisations publiques migrent leur parc informatique sous Linux, ou bien à défaut, utilisent Firefox et/ou OpenOffice.org.
Le principal moteur à cette expansion est sans aucun doute l’arrivée massive d’Internet Haut Débit dans les chaumières. En effet, le modèle de développement communautaire des Logiciels Libres nécessite une communication et des échanges intenses entre les contributeurs d’un projet Libre. L’ADSL a apporté une augmentation considérable des internautes dans le monde, grossissant par la même occasion les rangs des contributeurs Libres.
Cet enrichissement en contributeurs a permis en premier lieu une accélération des développements, diminuant ainsi le retard en terme d’ergonomie des logiciels. Il suffit de voir le chemin parcouru par GNOME ou KDE pour s’en persuader. Dans un second temps, la qualité des logiciels toujours à la hausse a rassemblé de plus en plus d’utilisateurs pas forcément techniciens. Entousiasmés, ils se sont mis à contribuer à hauteur de leur compétence : traduction, rédaction de documentation, marketing.
Le succès futur
Je suis convaincu du succès des Logiciels Libres et de la mise à mal (si ce n’est à mort) du modèle de production des logiciels grand public dans un futur pas si lointain et je me base sur plusieurs indicateurs :
- Les formats ouverts commencent à franchement faire parler d’eux et beaucoup de gens se mettent à comprendre les enjeux d’avoir leurs données prisonnières d’un fournisseur unique ;
- Ces derniers mois ont vu l’annonce de migrations de postes bureautiques vers des solutions Libres par diverses organisations gouvernementales par soucis d’indépendance technologique. Mais ceci prouve aussi que l’alternative Libre est envisageable car utilisable par l’employé moyen ;
- L’arrivée de Logiciels Libres de qualité qui fonctionnent aussi sous Windows : Firefox, Thunderbird, OpenOffice, Gaim... autant d’alternatives Libres qui permettent de convertir les masses doucement, laissant une possibilité de migration vers Linux ensuite ;
- L’aspect gratuit attire aussi beaucoup de monde, surtout si on peut avoir au moins aussi bien, le choix est rationnel ;
- La médiatisation des Logiciels Libres est énorme depuis 1 an et demi et va encore en augmentant, y compris dans la presse grand public (dans des quotidiens !) ;
- La lutte contre le piratage ira aussi dans le sens du Logiciel Libre : plus la répression sera forte plus les gens seront découragés de pirater (je vois déjà des gens qui ont peur et ne piratent plus rien).
Toutes ces petites choses vont faire grossir le parc d’utilisateurs de Logiciels Libres jusqu’à ce que les industriels ne puissent plus ignorer le phénomène... en fait, c’est déjà le cas. Nokia diffuse une plateforme de développement Libre pour sa tablette portative d’accès Internet, Tomtom redistribue les développements liés à la GPL, Orange finance Jabber.org, Neuf Telecom est derrière OpenWengo, ATI et NVidia (les 2 gros fondeurs de processeurs graphiques) écrivent des pilotes pour Linux (certes pas Libres mais pour Linux quand même)...
Tout ceci prouve qu’on est au début d’une période charnière qui devrait secouer l’industrie informatique tel qu’on la connait, et très fort qui pourrait complètement remettre en question le modèle de développement propriétaire pour se diriger vers un modèle économique de pur service.